Le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, Romain Schneider
Chers(ères) ami(e)s de la Coopération luxembourgeoise,
Dans un contexte d’amélioration des perspectives économiques, la croissance mondiale s’est consolidée en 2017. Si l’on peut se réjouir de cette conjoncture globale positive, force est de constater que beaucoup de pays restent à la traîne et même dans les pays à forte croissance, des populations entières se trouvent en situation de pauvreté. Alors que le slogan des Objectifs du développement durable (ODD) stipule « leave no one behind », plus de 800 millions de personnes vivent toujours dans la pauvreté et plus de 65 millions de personnes sont déplacées dans le monde, un chiffre inégalé depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Notre monde est devenu plus interconnecté et plus complexe, sur arrière-fond de crises récurrentes, d’extrémisme violent, de changement climatique et de conflits internes dans des contextes d’extrême pauvreté. La simple mesure du produit intérieur brut (PIB) ou de la croissance économique ne suffit donc plus pour mesurer le bien-être des populations et le développement inclusif. S’ajoute à cela que, dans l’ère du « fake news », il devient de plus en plus difficile d’avoir accès à de l’information fiable pour nous permettre de faire les bons choix aux bons moments. Cela est d’autant plus important dans le domaine de la coopération au développement, où l’on doit constamment fixer des priorités et faire des choix stratégiques en fonction des moyens limités disponibles.
L’aide publique au développement (APD) globale a stagné en 2017 avec un montant total de 146,6 milliards USD. Seuls six pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont atteint ou dépassé la cible de 0,7 % de l’APD par rapport au revenu national brut (RNB) : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède, la Turquie et le Royaume-Uni. Tout comme les années précédentes, le Luxembourg a tenu son engagement de dédier 1 % de son RNB à la coopération au développement et l’aide humanitaire. Cette politique volontariste répond à notre conviction que l’aide publique au développement demeure le vecteur le plus efficace et rapide pour favoriser la stabilité et la croissance inclusive et qu’elle restera vitale pour les pays en développement et la réalisation des ODD.
Il est tout aussi clair cependant que l’APD à elle seule ne suffira jamais pour répondre aux défis actuels, alors que les besoins se chiffrent en milliers de milliards de dollars. L’implication du secteur privé, des fonds d’investissement, la mobilisation des ressources nationales dans les pays en développement et le transfert de technologies et de connaissances sont autant des conditions nécessaires à la réalisation des ODD. De nouveaux partenariats doivent donc voir le jour et ce n’est pas par hasard que le thème principal des Assises de la Coopération 2017 était celui des partenariats multi acteurs. Le but étant de créer des synergies en faveur du développement avec tous les acteurs, publics et privés, la société civile, les organisations internationales, les universités et les centres de recherche.
Nous avons la chance de pouvoir compter dans ce contexte sur le savoir-faire spécifique de bon nombre d’acteurs luxembourgeois. En 2017, nous avons ainsi pu lancer et consolider des collaborations directes ou des partenariats public-privé avec des entreprises et des institutions dans les secteurs des télécommunications, de la santé, de l’éducation et de la recherche, du transport, tout comme avec des acteurs financiers, notamment dans le secteur de la microfinance. Le Luxembourg a pu confirmer son rôle de partenaire fiable, innovateur et prévisible dans le domaine de la coopération au développement. Cela nous a été confirmé par l’examen par les pairs du Comité d’aide au Développement (CAD) de l’OCDE, publié en octobre dernier.
Le CAD a salué la mise en œuvre efficace et ciblée de notre coopération, en relevant sa concentration géographique et sectorielle, permettant ainsi de maximiser son impact, sa visibilité et son influence dans ses pays partenaires. J’ai pu me rendre compte personnellement de l’appréciation et de l’impact de notre coopération sur le terrain, notamment lors de mes déplacements au Burkina Faso, au Laos et au Vietnam.
En plus des mesures prises pour accroître l’efficacité de l’aide au développement luxembourgeoise, l’OCDE a fortement apprécié l’additionnalité des fonds mobilisés pour le climat, ainsi que ceux dédiés à l’accueil des réfugiés. Cela renforce d’autant plus la crédibilité du Luxembourg au niveau international et fait de nous un acteur important dans le cadre de la réalisation de l’Agenda 2030.
Quelque 13 recommandations ont par ailleurs été émises par le CAD. Celles-ci guideront nos travaux d’élaboration d’une nouvelle stratégie générale de la coopération luxembourgeoise, en concertation avec tous les acteurs qui ont activement contribué à l’examen par les pairs de l’OCDE. Je pense notamment aux collègues du ministère des Finances, du MDDI, de LuxDev et du Cercle des ONG de développement, ainsi qu’aux membres de la Commission des Affaires étrangères du parlement, qui nous soutiennent continuellement. Nous avions d’ailleurs déjà entamé, dès le début de l’année 2017, une grande partie de réorientations stratégiques avec bon nombre de nos partenaires, au niveau bilatéral, ONG et multilatéral.
Tout au long de l’année, mon département a travaillé sur l’efficacité et la qualité des programmes et projets de coopération avec les ONG de développement. Ensemble avec le Cercle de Coopération, les conditions de cofinancement ont été revues, leurs pourcentages harmonisés et adaptés au niveau de développement des pays concernés. La loi sur la coopération a été modifiée en conséquence et il n’y aura dorénavant plus que deux taux de cofinancement : 60 % et 80 %, indépendamment du fait qu’une ONG travaille sous accord-cadre ou par le biais d’un projet individuel. Je suis par ailleurs heureux que nous ayons pu, ensemble avec la Ville de Luxembourg, soutenir le Cercle dans l’établissement de la « Maison des ONG de développement ».
Au niveau de la coopération bilatérale, nous avons élaboré une nouvelle convention entre le gouvernement et LuxDev. L’agence est aujourd’hui plus décentralisée et mieux structurée pour répondre au nouveau contexte international. Les réformes et les réorientations entreprises positionnent notre agence comme centre de compétence, capable d’étendre son rayon d’action à la mise en œuvre de projets pour d’autres mandataires également, comme par exemple la Commission européenne, le Danemark ou la Suisse.
Alors que la situation sécuritaire s’est malheureusement dégradée dans certains de nos pays partenaires, notamment au Sahel, nous avons dû nous adapter à ce nouveau contexte. Nous avons réorganisé notre manière de travailler, investi dans des infrastructures et des équipements plus sûrs, revu nos plans de sécurité et formé notre personnel sur place. C’est un travail de longue haleine qui continuera à nous occuper durant les années à venir.
Les facteurs d’instabilité, tels que des conflits et des sécheresses engendrent des crises humanitaires qui fragilisent davantage nos pays partenaires et mettent en péril les acquis dans le domaine du développement. Nous avons de ce fait augmenté notre aide humanitaire et nous l’avons rapprochée des actions de coopération à plus long terme. L’on parle ici du nexus entre l’aide humanitaire et le développement.
Dans ce contexte, nous avons également revu certaines de nos collaborations avec les agences onusiennes et organisations internationales. De nouveaux accords de partenariat stratégiques ont ainsi été signés avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Nonobstant notre apport substantiel à ces organisations, notre réponse aux crises humanitaires peut également s’appuyer sur l’expertise luxembourgeoise du secteur privé et d’une équipe de volontaires de la protection civile, formés dans le cadre de notre projet emergency.lu. En 2017, emergency.lu a été déployé de manière efficace à Madagascar, au Niger et dans les Caraïbes.
Comme vous pourrez le constater à la lecture de ce rapport annuel, l’année écoulée était pleine de réalisations et de défis auxquels il a fallu s’adapter en permanence. Nous avons mené dans ce contexte des évaluations différentes, conjointes et thématiques afin d’extraire un maximum de leçons de nos actions et d’améliorer encore et toujours notre coopération. Les réalisations de l’année 2017 ont été rendues possible grâce à l’engagement de tous mes collaborateurs, de nos partenaires et de tous les acteurs de la Coopération, professionnels et bénévoles. Je voudrais ici les remercier toutes et tous, leur témoigner ma reconnaissance et mon respect pour leur dévouement sans failles envers un monde plus juste. Mes remerciements tout particuliers vont cette année à Mme Martine Schommer, Directeur de la Coopération au développement et de l’Action humanitaire durant les cinq dernières années.
Romain Schneider
Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire