Passation des pouvoirs ; de Marie-Josée Jacobs à Marc Spautz
2012 représente une année particulière pour la coopération luxembourgeoise, puisque c’est une année anniversaire à plus d’un égard. Trente ans plus tôt la première base juridique établissant les fondements de notre action voyait le jour. Nous avons en 2012 adapté et modernisé une nouvelle fois le cadre juridique de la coopération au développement et de l’action humanitaire. L’action humanitaire y trouve désormais la place qui revient à ce pan important de notre coopération. Les secteurs dans lesquels le Fonds de la Coopération peut agir et les thèmes horizontaux, ont été élargis. Plus de transparence a été introduite dans notre collaboration avec les ONG, sur base de critères et règles précis. Après un processus de concertation à plusieurs niveaux la loi modifiée a ainsi été adoptée à la Chambre des députés le 29 mars 2012. Les règlements grand-ducaux précisant les modalités d’application y afférents ont été publiés le 7 août. Même si certains auraient peut-être voulu aller plus loin dans ce processus de révision, nous disposons désormais d’une base de travail adéquate, y compris pour renforcer la cohérence des politiques gouvernementales dans l’optique du développement.
Le comité interministériel pour la coopération au développement mis en place par la nouvelle base juridique constitue l’instrument de choix dont nous nous sommes dotés pour justement assurer la cohérence des politiques pour le développement. Le comité, doté d’un secrétariat permanent, a été constitué fin octobre. Il a tenu deux réunions en 2012, dont une en décembre avec le Cercle de coopération des ONG de développement. En 2013 des réunions régulières sont prévues à un intervalle de plus ou moins 2 mois.
J’aimerais souligner que la cohérence des politiques, que nous exigeons et voulons tous, constitue pour la première fois une partie intégrante de ce rapport annuel pour l’année 2012. Sur base des travaux du comité, mon rôle consiste à tirer l’attention des différents collègues ministres sur de possibles incohérences, ainsi que de passer en revue d’un œil critique le travail de la coopération luxembourgeoise.
En 2012 cela faisait 20 ans que le Premier ministre Santer avait pris l’engagement devant l’Assemblée générale des Nations unies que le Luxembourg vouerait au plus tard en 2000 0,7 % du Revenu National Brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD). Ce but a été atteint et l’engagement a été porté au-delà. Ce gouvernement s’est engagé à garder l’effort quantitatif pour la période 2009-2014 à 1 % du RNB. En 2012 cet engagement a été tenu comme par le passé. Parmi les pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE le Luxembourg figure désormais en tête des statistiques. Si j’en suis évidemment contente, la baisse générale de l’APD dans l’Union européenne m’attriste bien plus, tenant compte de nos engagements communs pris en 2005 et des besoins énormes dans les pays les plus démunis.
Les conclaves du gouvernement sur la préparation des budgets 2013 et 2014 ont retenu que l’engagement du Luxembourg envers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement ne fléchira pas. Au sein de notre budget certains postes ont fait l’objet d’un examen encore plus précis que par le passé, comme les frais de fonctionnement où nous appliquons avec les autres administrations et services publics une croissance zéro.
L’APD ne constitue certes pas l’unique mode de financement du développement, mais c’est le seul à avoir ce formidable effet d’entraînement et de catalyseur pour d’autres types de financements, y compris des banques de développement, du secteur privé et des pays concernés. C’est aussi grâce à ces fonds que des agences ou organisations internationales sont en mesure d’agir sur des terrains difficiles et dans des circonstances humanitaires dramatiques.
A un moment où le débat s’intensifie sur la redéfinition de l’APD et les nouvelles formes de financement, nous devons rester vigilants et un partenaire ouvert mais déterminé. Cela vaut aussi pour le suivi de Rio +20 et les travaux sur l’après-2015 concernant les Objectifs du Millénaire pour le développement et les Objectifs de développement durable. L’ouverture à de nouveaux volets et partenaires dans le processus pour l’après-2015 est certes indispensable, mais la conséquence ne peut pas en être une réduction des efforts consentis. En vue des échéances à venir dès 2013, une concertation intense entre mes services et le ministère du Développement durable est nécessaire pour agir de façon cohérente dans les instances de l’UE et au niveau international.
En 2012, alors que le Luxembourg est depuis 20 ans membre du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, la coopération luxembourgeoise s’est soumise à la 5e revue par les pairs. Les examinateurs ont rencontré dans ce contexte les députés, le Cercle des ONG et ont effectué une visite sur le terrain au Laos pour se faire une image encore plus précise de notre action. Lors de la discussion du rapport d’examen en novembre à Paris la coopération luxembourgeoise a reçu les félicitations du Président du CAD et aussi des États membres. L’examen fut donc globalement positif et confirme que le Luxembourg est en matière de coopération « un acteur généreux doté d’un cadre légal et institutionnel solide».
Le contrôle de la qualité de l’aide et de son efficacité, retenue dans le partenariat de Busan en décembre 2011, reste toutefois un effort continu qui s’impose à toutes les actions de la coopération luxembourgeoise. Dans cet esprit j’ai tenu à présenter dans ce rapport annuel les programmes et projets avec nos pays partenaires suivant les principes retenus à Busan, démontrant notre volonté de pratiquer ce partenariat approfondi comme souhaité par les pays du Nord et du Sud.
En matière de contrôle je me félicite du rapport spécial de la Cour des comptes sur la
co-opération luxembourgeoise du 23 mai 2012 qui a pu conclure à l’absence d’erreurs significatives dans la gestion, même si certains points de détails ont nécessité des ajustements.
En 2012, la coopération luxembourgeoise a complété le cadre dont elle s’est dotée par l’adoption d’une stratégie générale et de stratégies sectorielles ou thématiques transversales complémentaires, comme p.ex. celles sur la microfinance ou encore sur les États fragiles. Ce cadre est indispensable pour guider nos actions, tout en nous laissant un degré de flexibilité pour faire face à des situations imprévues, comme au Mali.
Dans mon discours devant la Chambre des députés en octobre dernier j’ai souligné que la coopération au développement constitue pour moi un gage de solidarité envers les partenaires les plus démunis et en même temps la prise en compte de nos responsabilités internationales. En période de crise où les tentations d’un repli sur soi, sur le national, sont grandes, il est indispensable pour le Luxembourg de ne pas suivre cette voie et de montrer que telle n’est pas notre compréhension de la vie en commun au niveau international. Il est essentiel de rester fidèle à cet engagement. Et je suis convaincue que ceci correspond aux convictions d’une grande majorité de nos concitoyens.
Je ne voudrais pas manquer de remercier très sincèrement tous les acteurs et partenaires de la coopération luxembourgeoise, et notamment les bénévoles des ONG, pour leur engagement continu sans lequel la coopération luxembourgeoise ne serait pas ce qu’elle est.
Au moment de quitter le gouvernement, je voudrais souhaiter à mon successeur Marc Spautz plein succès dans ses nouvelles fonctions et lui dire combien je me réjouis de savoir la coopération luxembourgeoise en de si bonnes mains.
Marie-Josée Jacobs
Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire*
* en fonction jusqu’au 29 avril 2013